Politique du Gouvernement en faveur du Théâtre - Octobre 2005

Publié le par Ministre de la culture


RDDV présente son “action en faveur du théâtre”

Mercredi 5 octobre, le Ministre de la culture et de la communication a détaillé devant les représentants du théâtre public et privé une série de mesures et d’initiatives intitulée “action en faveur du théâtre” et qui s’articule autour de trois axes : l’ouverture, le rayonnement et la lisibilité.

Parmi les mesures annoncées liées à la formation, nous retiendrons notamment la création d’un diplôme d’État d’enseignement du théâtre (D.E.).

En ce qui concerne les aides à la production, le seuil d’engagement de l’État est porté à 10 000 € (20 000 € s’il s’agit de la création d’une œuvre nouvelle).

De nouveaux dispositifs voient également le jour en faveur des compagnies indépendantes. Citons une aide à la maquette de 5 000 € et un système de compagnonnage proposé aux jeunes artistes au sein de compagnies conventionnées.

Au chapitre du rayonnement du théâtre, Renaud Donnedieu de Vabres souhaite “renforcer les actions d’éducation artistique, valoriser le théâtre en amateur et encourager les nouvelles écritures d’aujourd’hui en favorisant leur production scénique et leur diffusion auprès du plus large public”.

A propos de la lisibilité, le Ministre envisage de clarifier les missions du réseau théâtral et les labellisations. Il s’agit de développer "une politique de contractualisation sur des bases plus dynamiques" avec l’ensembles des structures aidées, des compagnies conventionnées aux Théâtres Nationaux.

Ainsi, vis à vis des compagnies conventionnées, les conventions qui arrivent à échéance à partir de 2006 seront examinées au regard de la qualité artistique ainsi que des quatre critères suivants : volume d’activité, rayonnement territorial, dynamique en faveur de l’emploi, compagnonnage.

Dans le même esprit, le Ministre assigne à ses services d’étendre à toutes les scènes nationales, sans exception et dans les plus brefs délais, le processus de contractualisation sur quatre ans.

Le Ministre attribue à ces mesures les moyens nouveaux affectés au théâtre en 2006, et évalués à près de 7M€, répartis entre crédits centraux et déconcentrés.

Le mercredi 5 octobre 2005

COMMMUNIQUE

Le théâtre, art collectif par excellence, est aujourd’hui en pleine effervescence et la profession théâtrale est morcelée.
Soulignant la volonté de tous d’aboutir au 1er janvier 2006 à un système pérenne de soutien à l’emploi et d’indemnisation du chômage des artistes et des techniciens, le Ministre a pour premier objectif de renouer les fils du dialogue entre les artistes, les responsables de lieux de création ou de programmation, et les publics.
Parce que le théâtre est fort de sa diversité et de l’alliance entre les créateurs, les compagnies indépendantes, les structures institutionnelles et les lieux alternatifs, le Ministre a présenté un plan d’action qui repose sur trois axes :

1. L’ouverture
. Ouvrir et diversifier les voies d’accès aux métiers et à la transmission du théâtre
. Renforcer les modes d’expérimentation et de production entre les artistes et les lieux en créant notamment des dispositifs nouveaux en faveur des compagnies indépendantes.
Exemple : une aide à la maquette et un compagnonnage proposé aux jeunes artistes au sein des compagnies conventionnées

2. Le rayonnement
. Renforcer les actions d’éducation artistique et valoriser le théâtre en amateur
. Encourager les nouvelles écritures d’aujourd’hui en favorisant leur production scénique et leur diffusion auprès du plus large public
. Prolonger le « Temps des arts de la rue »
. Lancer une réflexion sur le théâtre jeune public
. Célébrer au coeur de la soixantième édition du Festival d’Avignon, le soixantième anniversaire de la décentralisation théâtrale

3. La lisibilité
. Clarifier les missions du réseau théâtral et les labellisations
. Renforcer la permanence artistique et créer des pôles de diffusion au sein des théâtres.
C’est à cet ensemble de mesures et d’initiatives que seront consacrés les moyens nouveaux affectés au théâtre en 2006, et évalués à près de 7M€, répartis entre crédits centraux et déconcentrés.
Le Ministre a également annoncé à la profession théâtrale l’organisation de trois rendez-vous publics qui jalonneront la saison 2005/2006 et qui ont pour objectif de multiplier les occasions de rencontres et d’échanges entre professionnels et publics :
. 27 mars : au Studio-Théâtre de la Comédie Française, autour de la création contemporaine
. 15 mai : au Théâtre National de Chaillot, sur la transmission et l’enseignement du théâtre
. 17 juillet : au coeur du Festival d’Avignon, pour un grand rassemblement de la communauté théâtrale.

DISCOURS DU MINISTRE

Discours de Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication,
prononcé lors de la conférence de presse sur l'action en faveur du théâtre
le mercredi 5 octobre 2005

Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,

 

Je suis très heureux de vous accueillir ici, rue de Valois, où le théâtre, art public par excellence, a toute sa place. Car vous le savez, c’est ici, dans ce salon des Maréchaux, que depuis mon arrivée au Ministère de la Culture et de la Communication, j’ai tenu à placer le spectacle vivant et toutes celles et ceux qui le font, au cœur de mon action. D’abord, en vous recevant tout au long de l’année, vous, artistes, représentants des collectivités, responsables de lieux, techniciens, permanents et intermittents du spectacle. Ensuite, en suscitant, pour la première fois dans l’histoire de la République, le premier débat parlementaire sur le spectacle vivant, à l’Assemblée et au Sénat, qui ne soit pas un débat seulement budgétaire.

J’ai présenté ici mon budget, il y a exactement une semaine. Un budget qui est l’instrument et l’expression d’une politique. Et cette politique est d’abord fondée sur une vision du rôle de l’art dans la cité, qui se décline en actions, que je vais maintenant vous présenter.

C’est aussi ici même que siège le conseil national des professions du spectacle, comme c’est ici que s’est tenue le 29 septembre une très importante réunion des partenaires sociaux, la seconde à regrouper au ministère de la culture et de la communication l’ensemble des organisations professionnelles et interprofessionnelles. Je ne laisserai pas des interventions isolées, qui n’ont rien à voir avec les enjeux professionnels du spectacle vivant, empêcher le dialogue entre les partenaires sociaux. J’ai toute confiance dans notre volonté commune d’aboutir à la mise en place d’un système pérenne de soutien à l’emploi et d’indemnisation du chômage des artistes et des techniciens au 1er janvier 2006.

Comme l’écrit joliment Robert Abirached dans le second tome de son ouvrage Le Théâtre et le Prince : « Le théâtre a gardé l’essentiel de son rayonnement, parce qu’il exige des regards en état d’alerte ».

Oui, le Ministère de la Culture et de la Communication, comme le Ministre que je suis, demeurent en état d’alerte permanent. Depuis dix-huit mois, vos questions, vos doutes, vos espoirs, comme les rapports des experts indépendants et les propositions de mon administration nourrissent ma réflexion et l’action que je veux mener au service du théâtre, car l’Etat est là, avec tous ses partenaires, pour servir l’art, et non pour s’en servir.

 

D’autant que le théâtre est un art collectif par excellence. Et s’il n’est guère de discours sur le théâtre, aujourd’hui, qui n’en déplore la crise, c’est un mot commode qui recouvre des points de vue très disparates. Pour ma part, j’ai fait le constat du morcellement de la profession théâtrale. C’est pourquoi je me suis fixé pour premier objectif de renouer les fils du dialogue entre les artistes, les responsables de lieux de création ou de programmation, et les publics.

Cet objectif est essentiel. Comme on l’a vu encore cet été, le théâtre, dans notre pays, est en pleine effervescence. Sa capacité à tendre un miroir à la collectivité et à nous interroger, avec une extraordinaire acuité, sur notre lien aux autres comme sur la complexité du monde, le rend incomparable, irréductible et précieux.

Notre théâtre fait preuve d’un incroyable dynamisme qui se mesure à la force du désir de la scène chez les jeunes, au foisonnement de ses équipes artistiques, à la diversité des techniques et des arts qu’il met en scène, à la variété de ses lieux de représentation, de la salle à l’espace public ou privé, à sa présence sur l’ensemble du territoire et à sa notoriété internationale, permettant un accès de plus en plus large au spectacle.

L’organisation du théâtre en France est unique. Elle est au cœur de « l’exception » française dans le domaine de la culture, qui fait école en Europe et dans le monde et que je préfère appeler diversité culturelle. C’est un mot, un concept, une ambition politique, qui se traduisent en actes et en actions et qui font, à une voix près, l’unanimité des pays du monde, comme j’ai pu le constater hier après-midi en plaidant à la tribune de la conférence générale de l’Unesco, réunie en ce moment même à Paris pour adopter la convention internationale sur la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques.

Alliance d’artistes individuels, de compagnies indépendantes, de structures institutionnelles ou de lieux alternatifs, notre organisation théâtrale tire ainsi sa force de sa diversité même.

Pourtant, encore récemment, à l’occasion d’une rencontre organisée rue de Valois avec les acteurs du Jeune Théâtre National, j’ai pu prendre la mesure des difficultés des artistes sortis des écoles qui peinent à voir leur travail appuyé par des lieux ou épaulé par leurs pairs.

Lors de nombreux rendez-vous, j’ai pris également conscience qu’il n’est pas toujours facile d’être jeune créateur, auteur dramatique ou compagnie indépendante. Et je sais qu’il est souvent douloureux, pour un directeur de théâtre, de devoir sans cesse arbitrer entre des propositions artistiques toujours plus nombreuses et riches, comme il est parfois complexe pour le public de s’ouvrir à la nouveauté et de trouver ses repères dans le foisonnement des spectacles à l’affiche.

J’ai donc décidé de multiplier les occasions de rencontres et d’échanges entre artistes, institutions et publics.

Je voudrais d’abord rappeler trois vérités simples qui me semblent parfois oubliées :

- Tout artiste de théâtre qui demande à être aidé ponctuellement ou régulièrement par l’Etat, souhaite, du même coup, nouer avec la population une relation particulière. Il signifie que, par son travail sur la langue ou les langages scéniques, il veut développer les sensibilités, éveiller les consciences et contribuer à une meilleure connaissance de soi, donc de l’autre.

- Tout lieu de théâtre qui bénéficie du soutien de l’Etat pour sa construction ou son activité reçoit, dans le même temps, une responsabilité nationale : celle d’accueillir dès leurs premiers pas, et tout au long de leur vie, des artistes soutenus par la collectivité. Il s’engage aussi à créer les conditions d’une riche rencontre entre ces artistes et la population de son territoire.

- Enfin, toute personne qui décide d’aller à la rencontre d’artistes de théâtre, dans un lieu de représentation théâtrale, choisit de rompre avec le repli sur soi et l’individualisme. En même temps qu’elle devient membre d’un public, elle s’affirme aussi comme pleinement citoyenne, c’est à dire partie prenante d’une communauté qui réfléchit à son destin. A ce titre, elle a aussi pour responsabilité de convaincre et de séduire ceux qui n’ont pas encore trouvé le chemin des salles de spectacles. En art, ce n’est pas la publicité mais le public qui crée le public.

C’est donc pour vous tous, auteurs, acteurs, metteurs en scène, compagnies de théâtre, de cirque ou de rue, aidés à un titre ou à un autre par le Ministère de la culture et de la communication ; c’est pour vous tous, théâtres nationaux, centres dramatiques nationaux, scènes nationales, scènes conventionnées et lieux subventionnés par l’Etat ; et c’est aussi pour vous tous, spectateurs sans qui le spectacle n’existe pas, que j’ai voulu ce « plan d’action en faveur du Théâtre ».

Pour vous relier davantage et pour que renaisse un esprit de curiosité réciproque, il nous faudra rassembler les énergies et associer, comme c’est déjà très souvent le cas, les partenaires naturels du service public de la culture que sont l’Etat et les collectivités territoriales. Il nous faudra aussi inventer de nouveaux dispositifs, dégager de nouveaux moyens, accepter certaines remises en cause.

Ce pari exigeant est au cœur de mon projet politique pour le théâtre, que je veux mettre en œuvre dès l’an prochain, et qui se décline selon trois axes, trois piliers :

- l’ouverture ;
- le rayonnement ;
- la lisibilité.

Et je vous fixe d’ores et déjà trois rendez-vous importants :

- le 27 mars, au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, autour de la création contemporaine, de sa production et de sa diffusion ;
- le 15 mai, au Théâtre National de Chaillot, sur la transmission et l’enseignement du théâtre ;
- le 17 juillet, au cœur du Festival d’Avignon, pour interroger les politiques théâtrales publiques à l’occasion d’une journée consacrée au soixantième anniversaire de la décentralisation théâtrale.

Premier axe : l’ouverture

Vous m’avez très souvent entendu prononcer ce mot : c’est qu’il revêt pour moi une valeur symbolique et politique forte afin de décloisonner la culture et d’en étendre les territoires.

Dans le domaine du Théâtre, comme dans les autres, tout passe d’abord par la découverte et la formation.

- C’est ainsi que se concrétise enfin une initiative forte et indispensable : proposer aux jeunes, partout en France, une offre de découverte et d’enseignement du théâtre, au même titre que pour la musique et la danse. La réalisation d’un volet « théâtre » dans chacun des « schémas départementaux de développement des enseignements artistiques » qui seront produits à l’avenir, constitue une nouveauté et un enjeu importants, que l’Etat accompagne et accompagnera plus fortement encore dans les mois qui viennent.

- C’est ainsi également que sont organisées, au moment où je vous parle, les épreuves du premier Diplôme d’enseignement d’Etat du Théâtre, le D.E.

850 candidats de tous âges ont été admis à passer les épreuves précédant l’obtention de ce diplôme et je suis fier et ému de voir l’engouement qu’il suscite dès la première année de sa mise en place. J’ai d’ailleurs décidé de réunir le 15 mai 2006, au Théâtre national de Chaillot, l’ensemble des candidats reçus afin d’échanger avec eux sur le sens et l’importance qu’ils accordent à la sensibilisation et à la formation au Théâtre dans notre pays.

Je veux toutefois d’ores et déjà rappeler avec force, en réponse à certaines inquiétudes exprimées ici ou là, que ce diplôme ne conditionne en aucune manière l’accès à l’activité d’enseignement et qu’il ne saurait être exigé pour participer à des projets d'éducation artistique ou culturelle. En l’attente de la nouvelle session qui se déroulera en 2007, je resterai vigilant sur le respect des principes qui ont guidé la mise en place du D.E : valoriser, mais, en aucun cas, exclure. Et c’est en parallèle que j’engagerai, dès 2006, la nécessaire réflexion sur la mise en place d’un nouveau Certificat d’aptitude aux fonctions de professeur d’art dramatique.

- De la même manière, je veux redire solennellement devant vous que la création, en 2006, d’un diplôme national de comédien ne s’apparentera en aucune façon à la mise en place d’une quelconque carte professionnelle. Il y a un an, lors des entretiens sur le spectacle vivant de Saint-Denis, j’ai dit sous le chapiteau du cirque Fratellini qu’en ce qui me concerne je ne serai jamais partisan de cette carte: je le redis, un an après, rue de Valois.

Délivré en partenariat avec une Université, ce diplôme aura essentiellement pour vertu de ménager aux comédiens qui le possèdent une possible reconversion si leur carrière devait être interrompue. Utile, il ne sera pas un sésame pour la scène : le talent seul, et la persévérance, continueront de prévaloir. Et il en sera de même pour les futurs metteurs en scène, même si les expériences de l’Unité nomade ou du Théâtre National de Strasbourg montrent que ce qui traditionnellement ne s’apprend pas peut tout de même se transmettre.

- C’est pour mieux préparer au long parcours du métier d’acteur que les dispositifs d’insertion continuent d’être soutenus et analysés par le ministère de la culture et de la communication.

Ainsi, tout en demandant que les projets de formation en alternance ou ceux portés par des groupements d’employeurs soient étudiés et renforcés, je me félicite particulièrement des résultats de l’enquête coordonnée par le Jeune Théâtre National sur : le devenir professionnel des artistes issus des écoles signataires de la plateforme de l’enseignement supérieur pour la formation du comédien.

Cette enquête, qui sera très prochainement rendue publique, prouve que la formation favorise l’insertion, ce qu’il n’est pas inutile de rappeler à l’heure où la réflexion sur les métiers est intense.

- Je conclurai sur la formation, en rappelant que depuis la disparition de l’Association Nationale pour la Formation et l’Information Artistiques et Culturelles (Anfiac), la profession culturelle a vu éclore des dizaines de formations au métier de directeur d’établissement artistique et culturel. J’ai donc demandé à la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) d’analyser l’offre existante et de présenter, dès le début de 2006, des hypothèses de structuration d’une offre nouvelle de formation continue, en parfaite adéquation avec les besoins et les réalités du secteur.

A ce très important volet de l’action de l’Etat consacrée à la formation théâtrale, il faut ajouter la perspective de créer un diplôme d’Etat d’enseignement du cirque, très attendu par le métier, qui pourrait être mis en place en 2006/2007. Et je n’oublie pas la Formation avancée itinérante aux arts de la rue, ouverte en 2005, dont les sortants présenteront leurs travaux de fin d’étude en 2007.

Ainsi, grâce à tous ceux - formateurs, élèves en voie de professionnalisation ou amateurs - qui transmettent ou reçoivent un savoir, la circulation des expériences et des sensibilités favorise l’ouverture, qui est mon objectif.

Mais cela ne suffit pas.

Je veux maintenant évoquer la deuxième partie de mon programme d’ouverture : mieux accompagner les compagnies indépendantes.

En 2005, sur 630 compagnies de théâtre aidées par l’Etat, 321 bénéficient d’un conventionnement et 309 ont reçu une aide à la production.

Ces équipes, aidées ponctuellement ou régulièrement, ne sont pourtant qu’une partie de toutes celles qui aspirent à recevoir un soutien du Ministère de la Culture et de la Communication : car rappelons-le, les compagnies indépendantes sont le levain du théâtre français.

Elles naissent spontanément, poussées par le désir de développer un projet artistique et parfois disparaissent, faute souvent de s’être convaincues elles-mêmes, ou d’avoir su convaincre les autres, de la nécessité de leur proposition.

L’Etat doit accompagner avec une attention redoublée ces aventures fragiles et essentielles, car c’est souvent à leur début que les fulgurances artistiques sont les plus fortes et les écueils les plus grands.

Pour autant, il n’est pas rare que de nombreuses équipes parviennent à inscrire leur activité dans la durée, tout en demeurant peu ou pas subventionnées.

Cinq innovations vont donc intervenir en 2006, dont le détail vous est présenté dans le dossier qui vous sera remis dans quelques minutes. Elles doivent permettre d’accompagner les premiers pas d’un artiste isolé, de mieux prendre en compte la réalité du travail des compagnies non conventionnées et de resserrer les liens avec les théâtres autour de projets expérimentaux.

1°) d’abord, donner plus de moyens aux compagnies pour créer et pour jouer : le plancher de l’aide à la production dramatique sera fixé à 10 000 €. Il sera même porté à 20 000 € pour les projets les plus ambitieux fondés sur la création d’une œuvre nouvelle, en particulier celle d’un auteur vivant.

Cette hausse est conçue pour que soit mieux pris en compte le temps de travail consacré à la création. Son entrée en vigueur se fera progressivement à partir de janvier 2006, car il faudra mobiliser des fonds nouveaux afin que le relèvement du plancher n’entraîne pas une baisse mécanique du nombre de projets aidés.

Par ailleurs, l’aide à la reprise sera encouragée, offrant aux équipes artistiques un cadre budgétaire qui leur permette d’organiser des tournées pour une deuxième exploitation de leurs spectacles.

2°) ensuite, instaurer une nouvelle aide, l’aide à la maquette pour les compagnies ou les artistes indépendants d’un montant fixe de 5000 € auxquels devront impérativement s’ajouter au moins 5000 € supplémentaires venus d’un théâtre ou d’un lieu partenaire.

En amont de l’aide à la production, cette aide sera souple et permettra à un artiste ou à une équipe artistique d’entrer en contact avec un lieu, autour d’une démarche d’expérimentation et de recherche.

Présentée devant des spectateurs, cette maquette reflètera, mieux que tout autre dispositif, la rencontre qui m’est particulièrement chère entre un artiste, un lieu et le public.

3°) en troisième lieu, valoriser les projets individuels : lorsqu’il ne lui est pas nécessaire de se doter immédiatement d’une compagnie, un artiste peut placer son projet à l’abri d’un producteur indépendant ou d’une structure. Désormais, ces « accompagnateurs » de projets pourront obtenir, à la demande de l’artiste, une aide à la production ou à la reprise.

Créer une compagnie devient alors un vrai choix artistique et pas simplement une obligation juridique.

4°) en quatrième lieu, proposer un compagnonnage aux jeunes artistes au sein d’une compagnie conventionnée : dans l’esprit de la rencontre et de l’ouverture, les compagnies qui bénéficient de moyens significatifs de l’Etat pourront accompagner les premiers pas d’un artiste plus jeune et le guider tout au long de la réalisation d’un premier spectacle. La transmission des savoirs et la mise à disposition des outils d’un côté, la disponibilité et la curiosité de l’autre, seront au cœur de la rencontre entre deux artistes, l’expérimenté et le novice. Les compagnonnages favorisant des périodes longue d’emploi seront particulièrement valorisés et suivis de moyens nouveaux.

Je demande à la DMDTS de proposer pour 2006 une nouvelle circulaire sur l’aide aux compagnies qui récapitulera ces évolutions.

5°) en cinquième lieu, valoriser les résidences d’artistes ou de compagnies : toutes les démarches favorisant la résidence d’une compagnie ou d’un artiste dans un lieu font l’objet d’une circulaire que j’adresserai prochainement aux Directeurs régionaux des affaires culturelles. Sans détailler les mesures qui y figurent, je tiens à dire ici mon attachement à tout ce qui contribue au partage de l’outil théâtre.

A ce titre, je suis particulièrement fier d’avoir confié au Théâtre national de l’Odéon, dont la salle historique du 6ème arrondissement de Paris rouvrira en avril prochain, le soin de programmer définitivement les ateliers Berthier. Georges Lavaudant, que je tiens à saluer, a pris en effet la décision de renouveler et d’amplifier en 2006 l’accueil de projets des écoles de théâtre, préfiguré cette année au mois de juin avec le Jeune Théâtre National. De plus, grâce à sa seconde salle, l’Odéon hébergera, outre la compagnie d’André Engel, un jeune artiste en résidence chargé auprès du directeur de missions artistiques et culturelles et accompagné dans une production personnelle. En plus du grand théâtre national qu’il était déjà, l’Odéon devient ainsi un lieu de professionnalisation des jeunes artistes.

Un soutien particulier sera également apporté aux compagnies qui s’associent pour un temps long à un territoire donné, sous forme d’une résidence-association.

Cette résidence-association fera l’objet d’un contrat sur deux ou trois années associant le ou les artistes, le lieu d’accueil, l’Etat et une ou plusieurs collectivités territoriales. Elle constitue ainsi, pour les compagnies, un nouveau mode d’accompagnement qui pourra s’articuler avec l’aide à la production ou le conventionnement proposés par le Ministère de la Culture et de la Communication.

L’ensemble de ces propositions, destinées à associer les artistes aux compagnies, les compagnies aux lieux, les lieux aux artistes ou les compagnies aux territoires doivent, elles aussi, améliorer la circulation des personnes et des œuvres et leur rencontre avec des spectateurs, partout où ils se trouvent.

Et cela, c’est aussi le sens du deuxième axe, du deuxième pilier sur lequel je m’appuie pour fixer l’action du Ministère de la Culture et de la Communication en faveur du théâtre : le rayonnement.


Deuxième axe : le rayonnement

Rayonner, c’est faire qu’il y ait du théâtre partout et pour tous.


- Cela passe d’abord par la présence du théâtre dans les établissements scolaires, à condition que soit préservé l’esprit du partenariat entre artistes et enseignants.

Sur l’éducation artistique, je serai ainsi amené à m’exprimer avec mon collègue Gilles de Robien, Ministre de l’Education nationale, lors d’une conférence de presse que nous tiendrons ensemble le mercredi 19 octobre, à l’école du Louvre. pour installer le Haut conseil pour l’éducation artistique et culturelle.

Puis nous nous rendrons en commun à Nantes, pour les « assises nationales de l’éducation artistique théâtre/spectacle vivant » organisées par l’Association nationale de recherche et d’action théâtrales (ANRAT) le samedi 12 novembre : une actualité chargée qui montre la détermination du Gouvernement à ne pas faiblir sur ce sujet essentiel pour le présent comme pour l’avenir.

- Cela passe ensuite par une nouvelle considération portée à ce que j’appellerai le théâtre en amateur et non le théâtre amateur. Lorsque j’aurai rappelé que cette pratique a concerné en 2003 près de 550 000 personnes, j’aurai justifié, s’il en était besoin, l’impérieuse nécessité pour l’Etat de travailler sur ce réseau de compagnies ou d’individus qui expriment une certaine idée du théâtre, partout en France.

Reconnaître et faire connaître les troupes ou compagnies d’amateurs est important, de même qu’il faut clarifier le cadre juridique régissant la présence des amateurs sur scène : un projet de loi est en cours d’élaboration dont le texte fait l’objet d’une large concertation, en vue de son examen au Parlement en 2006.

Rayonner, c’est faire aussi, et surtout, que tous les genres de théâtre soient représentés.

- Au premier rang de cette préoccupation, je place le soutien aux écritures et aux auteurs.
Quelle que soit la qualité de notre dispositif d’aides publiques en faveur de l’écriture et du montage des œuvres d’auteurs vivants, le sentiment demeure vif que le théâtre qui s’écrit au présent n’est pas assez joué ou tarde à l’être.

Le 16 janvier 2006, je réunirai les institutions qui travaillent à la connaissance et à la communication des œuvres dramatiques [SACD, Ecrivains associés du Théâtre, Centre national des écritures scéniques de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, Aux nouvelles écritures théâtrales, Théâtre ouvert, Théâtre du Rond-Point, Mousson d’été, Théâtre de l’Est Parisien, Centre National du Théâtre, Centre National du Livre, A mots découverts] pour lancer des ponts entre elles et établir un catalogue précis des besoins et des manques. J’étudierai toutes les suggestions et je ne m’interdirai aucune initiative pour renforcer la présence du théâtre vivant sur les scènes de France.

D’ores et déjà, j’ai demandé à la SACD d’étudier des modalités de rapprochement entre les aides à la création dramatique de l’Etat et son nouveau fonds d’aide à la création. Par ailleurs, comme vous le savez, j’ai lancé cette année un premier « Grand prix de littérature dramatique », destiné à valoriser le texte de théâtre édité. Ce prix sera naturellement reconduit en 2006, toujours sous l’égide d’Aneth, et élargi aux textes édités francophones.

Mais le plus essentiel à mes yeux consiste à rapprocher l’écriture du plateau, c’est à dire à favoriser le montage des textes d’auteurs vivants.

Je l’ai dit, le plancher des aides à la production des compagnies indépendantes sera rehaussé à 20 000 € pour doter de manière significative les spectacles les plus ambitieux tirés d’œuvres nouvelles. Je veillerai à ce que les résidences ou les aides à la maquette profitent aux auteurs vivants. Et dans le cadre de la refonte du contrat de décentralisation dramatique, la présence ou la part significative de créations d’auteurs vivants au sein des centres dramatiques nationaux sera accrue.

Constatant enfin que les rencontres avec les auteurs, pourtant nombreuses et chaleureuses - j’étais moi-même au mois d’août à Pont-à-Mousson et j’ai pu constater la qualité du travail effectué par Michel Didym et son équipe - ne produisent pas toujours l’effet escompté auprès des compagnies et des programmateurs, j’ai décidé d’inviter personnellement le réseau théâtral français à la manifestation « premières lignes », organisée par la DMDTS au Studio-Théâtre de la Comédie française.

Je vous donne donc rendez-vous, du 21 au 26 mars prochain, pour entendre des textes écrits ou traduits avec l’aide de l’Etat. Et le 27 mars, au Studio-Théâtre de la Comédie Française, je réunirai les professionnels de la production et de la diffusion pour réfléchir avec eux sur les suites à donner à cette manifestation. Je convierai également la presse à ce rendez-vous, car votre rôle, Mesdames et Messieurs les journalistes, est essentiel, pour soutenir et faire connaître les œuvres d’aujourd’hui. Je souhaite en effet qu’il ne se passe pas trois ans, comme c’est trop souvent le cas, avant que les textes lus soient transformés en spectacle sur l’une de nos scènes ou dans l’un de nos théâtres nationaux !

Pour autant, je voudrais qu’on n’oublie pas que le théâtre d’aujourd’hui, c’est aussi, pour reprendre une formule du Théâtre 95 de Cergy-Pontoise, celui des « contemporains de leur temps ». Je serai donc attentif à ce que la priorité accordée aux auteurs vivants ne prive pas le public de la nécessaire confrontation avec les œuvres de notre patrimoine théâtral. Pour les jeunes et les moins jeunes, la langue de Molière, de Racine, de Corneille ou de Marivaux doit encore résonner dans tous les lieux possibles.

Et c’est pourquoi, je veux redire ici que, dans mon esprit, aucun lieu ne doit être interdit au théâtre, qu’il soit classique ou contemporain. Notre patrimoine doit être ouvert à toutes les créations, à toutes les expressions artistiques. Je réfléchis à multiplier les occasions de mêler patrimoine et création et je vais constituer un groupe de travail avec le centre des monuments nationaux, comme je l’ai fait pour le cinéma, afin d’étudier les conditions d’une diffusion accrue de l’art dramatique dans des lieux du patrimoine où d’ordinaire il n’est pas présent.

- Vous ne vous étonnerez pas, dès lors, que je continue d’accorder une attention particulière au théâtre qui s’écrit et s’inscrit dans l’espace public. Je veux simplement rappeler ici mon engagement de construire en trois ans une active politique de soutien aux arts de la rue. Le Temps des Arts de la rue, que j’ai lancé à Marseille le 3 février dernier, court toujours et s’affirmera, je le redis, dans la durée. Il se poursuivra donc tout naturellement en 2006 avec des mesures nouvelles et des actions élargies, décrites dans le dossier de presse.

- En parallèle, je ne laisserai pas l’année des Arts du cirque sans suite et je demanderai à la DMDTS, en concertation avec les collectivités territoriales, de dresser un bilan des chantiers en cours ou abandonnés et d’estimer ceux qu’il faut ouvrir ou prolonger. Je pense en particulier à l’accueil des chapiteaux en centre ville, une question qui préoccupe aussi bien le cirque traditionnel que le nouveau cirque. Je pense aussi à la place forte et singulière qui sera accordée au Cirque ou aux Arts de la rue dans la programmation du Grand Palais : l’installation des machines de François Delarozière, dans le cadre de Paris Quartiers d’été 2006, ou un projet avec les Arts Sauts, qui me tient très à cœur, sont déjà au programme.

- Je souhaite, pour conclure, qu’un éclairage particulier soit apporté au théâtre pour le jeune public. Les questions que pose la perception par l’enfant du texte, de la scène et des artistes sont à revisiter. Le réseau artistique français est riche en lieux, festivals et troupes dont l’activité principale ou ponctuelle est tournée vers les petits et les adolescents.

J’aimerais qu’un grand colloque se prépare pour la fin de l’année 2006, à l’image de ceux qui sont organisés au Théâtre du Rond-Point sur les arts de la parole.

Sur ce sujet primordial, le temps est venu en effet de mettre en œuvre une évaluation régulière des conditions économiques et professionnelles qui président à l’élaboration et à la diffusion de l’offre de spectacles vivants à la jeunesse.

Et je souhaite que ne soient pas oubliés, dans la réflexion, les Arts de la marionnette, trop souvent associés dans l’esprit du public au seul théâtre pour les enfants.

Une telle observation nous permettra de reprendre un dialogue constructif avec l’un des secteurs les plus dynamiques et à la fois méconnus de la création contemporaine.

J’en viens maintenant au dernier point de ce qui constitue pour moi le rayonnement, et que j’appellerai, pour filer la métaphore scientifique, la « nécessité du laboratoire ».

- Un art qui ne cherche pas est un art mort. Le théâtre, pas plus qu’un autre, ne peut se croire sauf, s’il n’interroge pas sans cesse sa propre existence. Parmi les sujets qui le taraudent, il y a son rapport à l’image, aux nouvelles technologies, et aux autres disciplines artistiques. Je ne souhaite pas devant vous développer ces thèmes qui mériteraient d’autres espaces et d’autres moments.

- Cependant, je veux d’abord vous donner rendez-vous le 10 octobre, au Théâtre de la Madeleine à Paris, où j’aurai l’occasion de conclure une journée consacrée aux rapports entre théâtre public et théâtre privé. Je rappellerai alors l’attachement que je porte à ces deux secteurs complémentaires pour le public et, de plus en plus, pour les artistes. Et je redirai combien je tiens à ce moment précieux des Molières qui fêteront en 2006, avec une image rénovée, leur vingtième anniversaire.

- Je veux aussi vous confirmer toute l’importance que revêt à mes yeux la place du spectacle vivant, et notamment celle du théâtre, à la télévision. Au delà de la signature du contrat d’objectifs et de moyens du groupe France-Télévisions, c’est toute la réflexion en amont sur la forme et les modalités de la captation du théâtre qui est lancée. Et avec elle la conquête de nouveaux publics, ceux de demain !

Je veux enfin vous informer de ma décision de fêter un très important et très émouvant anniversaire : celui de la décentralisation théâtrale.
C’est en 1946 que fut conçu le premier centre dramatique national, la Comédie de l’Est.

J’ai donc choisi de célébrer le soixantième anniversaire de la décentralisation théâtrale, à Avignon, au cœur des manifestations que la direction artistique organisera pour la soixantième édition du Festival.

Un aller-retour avec l’histoire sera proposé au public, dans un lieu mythique du Festival, au cours d’une longue journée de midi à minuit, le lundi 17 juillet. Je souhaite qu’à cette occasion la communauté artistique se trouve rassemblée dans toute sa diversité. Acteurs, auteurs, metteurs en scène, connus ou non, feront vivre des textes d’aujourd’hui, et des textes de notre patrimoine, pour célébrer le théâtre.

Pour préparer ce moment, qui concerne l’art théâtral autant que la politique culturelle, un comité de pilotage sera mis en place dès le mois prochain, sous la présidence d’honneur de Gabriel Monnet qui a bien voulu accepter ma proposition. Organisé autour d’un coordonnateur, il sera formé d’un conseil d’artistes, d’un conseil de scientifiques et d’un conseil d’observateurs avec qui les contacts sont d’ores et déjà avancés.

J’attache la plus haute importance à cette manifestation qui marque le démarrage d’un chantier qui s’achèvera en 2009, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la naissance de ce ministère.

D’ici là en effet, plus attaché à l’ouverture qu’il ne l’était, rayonnant davantage, le ministère aura aussi travaillé à rendre sa politique plus lisible.

Troisième axe : la lisibilité

Camus le dit : « Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde ». Il faut donc rendre plus lisible l’action de l’Etat en précisant pourquoi il s’engage dans des conventions avec des compagnies et pourquoi il se lie par des contrats avec des lieux du réseau théâtral.

- Pour les compagnies dramatiques, la convention est devenue au fil des ans un gage de talent et la preuve d’une progression sur les barreaux de l’échelle sociale. Or, il ne s’agit pas bien évidemment pas de cela, mais d’un contrat passé entre une équipe artistique et l’Etat dans un but précis.

A l’occasion du réexamen d’une convention en vue de son éventuel renouvellement, chaque Direction régionale des affaires culturelles sera ainsi amenée à partir de 2006 à réexaminer le lien qui l’unit à chaque compagnie au regard de sa qualité artistique ainsi que des quatre critères suivants :

- le volume d’activité,
- le rayonnement territorial,
- le dynamisme en faveur de l’emploi,
- le compagnonnage.

Les prochaines conventions conclues avec les compagnies indépendantes intégreront donc, en plus de l’évaluation de la qualité artistique, des objectifs évaluables dans ces domaines.


- Pour les lieux, le travail est un peu plus complexe. 300 théâtres environ, sur les 900 que comporte le pays, bénéficient d’une aide financière de l’Etat, qui a noué avec eux des liens particuliers sur des modes différents. Tout au long de notre histoire se sont ainsi créés 5 théâtres nationaux, 30 centres dramatiques nationaux, 6 centres dramatiques régionaux, 1 centre dramatique national en préfiguration, 2 établissements assimilés centre dramatique, 2 centres de production jeune public, 70 scènes nationales, 76 scènes conventionnées et de nombreux théâtres sans label comme à Paris le Rond-Point, la Cité Internationale, la Bastille, ou encore à Toulouse le Théâtre Garonne, par exemple. Des institutions, auxquelles il faut ajouter des pôles pour les arts du cirque ou les récents centres nationaux de production des arts de la rue dont le nom évoluera sans doute prochainement.

Alors je veux le dire solennellement aux professionnels et aux observateurs qui s’interrogent et débattent depuis de longs mois sur la question des noms : chacun des théâtres soutenus par l’Etat relève pour moi d’une seule et symbolique appellation, celle de « Théâtre que l’Etat reconnaît ».

Et cette reconnaissance entraîne des droits et des devoirs réciproques, différents selon les lieux, qu’il s’agit aujourd’hui de redéfinir avec méthode et, parfois, avec courage.

C’est pourquoi, je propose d’abord de clarifier deux fonctions essentielles que ces théâtres remplissent ensemble ou séparément : la production et la diffusion d’une part, la programmation et l’action culturelle de l’autre.

La Production suppose des moyens financiers pour payer les répétitions, pour financer - ou mieux encore pour réaliser - la construction des décors, la fabrication des costumes, la création des lumières et pour acheter les premières représentations du spectacle ; elle suppose des lieux de répétition adaptés au projet, des lieux de travail et d’hébergement pour les artistes et techniciens et une véritable disponibilité des équipes permanentes du lieu à son égard.

De même, étroitement liée à la production, la question de la permanence artistique se pose dans les théâtres nationaux et les centres dramatiques nationaux, car elle favorise sur un territoire une relation étroite et personnalisée entre des artistes et la population, permet de démultiplier les collaborations avec les équipes indépendantes, ouvre une réflexion sur le répertoire, et renforce les liens entre la création, les tournées et les actions culturelles ou d’éducation artistique.

J’ai lancé la mise à l’étude des conditions d’un renforcement de la permanence artistique, car sa mise en œuvre ne dépend pas exclusivement de l’accroissement de moyens financiers. L’adaptation physique du lieu à la présence d’un auteur, d’un groupe d’acteurs ou d’un ou plusieurs créateurs du plateau, le choix des œuvres qui justifient leur engagement, la durée et la nature du contrat qu’il faut signer avec eux, font également partie de la réflexion lancée en étroite concertation avec l’Etat et les collectivités territoriales, comme c’est déjà le cas notamment à Saint-Etienne, Nice ou Valence. Dès 2006, de nouvelles expériences de permanence seront ainsi menées. Elles seront dotées de moyens nouveaux.

Corollaire de la production, la circulation des œuvres constitue à l’évidence le maillon faible de la chaîne du spectacle vivant. C’est à elle qu’il faut accorder la plus grande attention en aidant les lieux qui le souhaitent à structurer de véritables « pôles de diffusion », composés de personnels formés, dotés d’outils techniques de recensement et de connaissance des réseaux, aptes à se déplacer en France, en Europe ou au-delà de nos frontières, pour trouver et sensibiliser des lieux à la coproduction, au préachat ou à l’accueil de leurs spectacles.

Des personnels capables enfin d’être à l’écoute des équipes indépendantes situées sur leur territoire et d’accompagner l’organisation de leur tournée dans ou hors de l’institution. Je pense par exemple aux salles polyvalentes en zone rurale ou dans les quartiers, aux friches, aux lieux du patrimoine, aux entreprises dotées d’une salle de spectacle, mais aussi aux prisons, aux hôpitaux.

La constitution de ces pôles de diffusion pourra être proposée à l’occasion de la signature ou de la prolongation du contrat liant un théâtre à l’Etat. Une évaluation des besoins du lieu sera réalisée, en partenariat avec l’Office national de diffusion artistique à qui je souhaite confier, en plus de son remarquable travail d’accompagnateur de projets, une véritable mission « d’expert de la diffusion » au service des théâtres, menée en liaison avec les DRAC.

La Programmation, enfin, exige un vrai savoir-faire dans le domaine, essentiel, de la médiation, c’est-à-dire une attention portée à toutes les formes d’action culturelle favorisant la rencontre entre le spectacle et toutes les catégories de public ; elle suppose la pratique, affirmée, d’achat de représentations en série, la pluridisciplinarité des choix, l’attention spécifique portée aux spectacles pour le jeune public ainsi qu’aux formes lourdes et innovantes (troupes, textes d’auteurs vivants, théâtre de rue, cirque, arts mêlés) par nature plus déficitaires que les autres.

Pourtant, ce travail de présentation réfléchie et accompagnée des œuvres à des spectateurs qu’il faut sans cesse conquérir, est paradoxalement considéré comme moins noble que celui favorisant la création ou la diffusion. Dans le domaine théâtral, la politique de conventionnement sera donc menée en priorité avec les lieux animés d’un véritable souci d’élargissement des publics, de mise en œuvre de projets artistiques dans les lieux dits de l’exclusion, d’ouverture aux formes esthétiques les moins représentées sur les scènes françaises, ou d’accueil d’artistes européens ou venus des pays francophones.

Ainsi, qu’un théâtre soit lié à l’Etat par une convention, par un contrat de décentralisation dramatique, par un contrat d’objectif, par un statut d’établissement public ou par un simple financement, il doit, parce qu’il engage d’une certaine manière l’argent public et donc l’Etat, produire et diffuser, programmer et conquérir de nouveaux publics. Il doit aussi, j’y insiste, assurer l’emploi d’artistes et de techniciens, dans des conditions exemplaires. Je sais que mes services, DMDTS et DRAC, y veilleront tout particulièrement.

Cette clarification établie, viendra alors une seconde étape : celle de la réévaluation du réseau théâtral français.

Il s’agira de vérifier la pertinence de chaque label qui, je le rappelle, chacun à sa façon, favorise la reconnaissance d’un théâtre par l’Etat. D’ores et déjà, par exemple, une refonte du contrat de décentralisation dramatique sera très prochainement soumise aux directeurs de centres dramatiques nationaux, intégrant notamment la rédaction d’un projet d’établissement, tel qu’il a été expérimenté à Dijon, un appel à candidature public rendant plus transparents les renouvellements de direction et une durée du mandat plus clairement établie.

De la même manière, les labels « scène nationale » ou « scène conventionnée » seront-ils précisés non seulement au regard de leurs missions respectives, déjà fixées par circulaire, mais aussi en fonction de la capacité des lieux qui en sont dotés de respecter au mieux leur cahier des charges.

C’est ainsi que la décision de nommer « scène nationale », « scène conventionnée » ou même « centre dramatique national » de nouveaux établissements comme, à l’inverse, celle de reconsidérer la légitimité de l’une ou l’autre de ces dénominations, sera-t-elle prise après une évaluation précise du lieu, en tenant compte également d’un nécessaire équilibre de leur répartition sur le territoire national. Partout où cela se justifie, la possibilité d’associer un artiste à la codirection d’un théâtre sera également examinée et valorisée.

A l’image de l’art du théâtre, en constante évolution, l’institution théâtrale ne saurait rester figée. Pas plus que ne devra rester figé le Ministère de la Culture et de la Communication.
La lisibilité de son action passe aussi par un regard critique sur sa propre organisation et sur ses propres procédures.

Ainsi que je l’ai indiqué à Strasbourg, lors de ma conférence de presse consacrée à la musique puis mercredi dernier, ici même, lors de la présentation du budget de la culture et de la communication, j’ai donc décidé de lancer une réforme de la Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles.

J’ai confié à l’inspection générale de l’administration de la culture, en plein accord avec Jérôme Bouët qui participe activement à la réflexion, une mission d’analyse du fonctionnement de la DMDTS conduite par Madame Anne Chiffert et Monsieur Dominique Chavigny. J’attends leur rapport et leurs propositions avant la fin de l’année. Les professionnels du spectacle, dans toutes les disciplines seront largement associés à cette réflexion afin qu’elle aboutisse à une réforme que je souhaite mettre en œuvre avant la fin du premier semestre 2006.

Je souhaite enfin que des conclusions opérationnelles soient tirées du rapport que m’a remis Emmanuel Wallon sur les centres de ressources du spectacle vivant. Et que soient inventés des outils d’expertise statistique mieux partagés entre les professionnels, les DRAC et la DMDTS.

Enfin, je tiens à vous indiquer que parmi les 22 millions d’euros de mesures nouvelles affectées en 2006 au spectacle vivant, près de 7 millions d’euros iront au théâtre. Jérôme Bouët me rendra à la mi-novembre ses propositions d’arbitrage sur la part des crédits qui seront gérés en centrale et ceux qui seront déconcentrés dans les DRAC. Et je veillerai personnellement à ce que les initiatives annoncées se traduisent dans le quotidien des artistes, des lieux et du public.

Je veux pour conclure vous dire un mot de l’Europe et des réseaux de diffusion que nous allons développer dans les mois et les années à venir, afin que l’ouverture, le rayonnement et la lisibilité dépassent nos frontières et permettent à nos œuvres et à nos artistes de circuler au sein de l’Europe. C’est dans cet esprit, celui de la construction d’une Europe très concrète, celle des projets artistiques, que j’ai proposé la création d’un groupe de coopération sur le théâtre qui pourra notamment mobiliser des moyens pour le surtitrage.

J’ai dit, en commençant, que le théâtre, art du texte, du corps, du sens et du geste, exige de nous des regards en état d’alerte. Il est vrai que le théâtre, c’est étymologiquement le lieu d’où l’on voit. Continuons à voir et à agir ensemble, au-delà de nos frontières, au-delà de nos murs, au-delà de tous les cloisonnements, au-delà de nous-mêmes, pour assurer dans notre société, dans notre cité, dans notre vie, la présence renouvelée et si nécessaire du théâtre.

Je vous remercie.

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Rencontre théâtre public / théâtre privé au théâtre de la Madeleine, le lundi 10 octobre 2005 - Discours du ministre de la culture<br /> <br /> Mesdames, Messieurs,<br /> Chers amis,<br /> <br /> Je suis très heureux de conclure votre journée de réflexion sur les relations entre le théâtre public et le théâtre privé.<br /> <br /> Et je le suis d’autant plus que vous avez placé votre rencontre sous le double symbole des identités et des passerelles, deux termes essentiels qui renvoient, pour moi, à trois autres axes : l’ouverture, le rayonnement, la lisibilité, sur lesquels je fonde mon action en faveur du théâtre, ainsi que je l’ai annoncé le 5 octobre dernier rue de Valois.<br /> Je vous remercie, cher Jacques Baillon, de votre invitation, car elle me permet d’abord de dire aux responsables du théâtre privé et à tous ceux, artistes et techniciens, qui le font vivre au quotidien, mon admiration et ma reconnaissance.<br /> <br /> Les théâtres privés constituent en effet un réseau de 48 salles à Paris, unique en Europe, produisant une centaine de spectacles par an, rayonnant, grâce aux tournées, sur l’ensemble du territoire, et rassemblant chaque année 2 850 000 spectateurs.<br /> <br /> Depuis toujours, le théâtre privé a été à l’origine de la découverte de nombreux auteurs, joués par de remarquables comédiens, dont les noms font partie désormais de notre mémoire collective. Et vous savez combien cette mémoire m’est chère : j’ai en effet décidé d’organiser, le 17 juillet 2006, au cœur du Festival d’Avignon, une grande journée consacrée aux soixante ans de la décentralisation théâtrale. Je souhaite qu’à cette occasion, la grande famille du théâtre se réunisse pour célébrer son amour des textes d’hier et d’aujourd’hui et réfléchir à ce qui l’unit plutôt qu’à ce qui la sépare. Tous ici, vous êtes donc invités à construire avec moi cet événement : je compte sur vos souvenirs aussi bien que sur votre participation active !<br /> <br /> Sur cette scène, vous ne m’en voudrez pas d’ailleurs d’évoquer les noms de Jean Desailly et de Simone Valère, qui furent durant tant d’années acteurs dans la compagnie de Madeleine Renaud et de Jean-Louis Barrault, puis directeurs de ce beau Théâtre de La Madeleine, prouvant ainsi la force du lien qui peut, et doit, unir théâtre public et théâtre privé.<br /> <br /> L’accent mis sur les grandes réussites du théâtre public, dont je suis fier comme Ministre et auxquelles je suis redevable, comme spectateur, de beaux et rares moments d’émotion, a parfois terni l’image du théâtre privé, assimilé à tort au seul théâtre de divertissement. Or je sais, nous savons tous ici, combien le privé a toujours su garder une véritable capacité à prendre des risques artistiques et à proposer au public des spectacles exigeants et passionnants. Et je place volontiers dans cette catégorie cet art si difficile de la comédie que le théâtre public néglige parfois, alors que les spectateurs réclament avec raison le retour du rire sur les scènes de théâtre.<br /> <br /> Heureusement, la différence, autrefois sensible, entre théâtre public et théâtre privé, tend à se réduire en raison de l’évolution des répertoires et de la circulation des auteurs et des comédiens d’un secteur à l’autre.<br /> Ici même, dans ce théâtre, sera créée la semaine prochaine une pièce d’Edward Albee mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia, qui fut metteur en scène associé au Théâtre de La Criée-centre dramatique national de Marseille, et accueilli régulièrement sur les scènes publiques, du Théâtre de la Tempête à celui du Rond-Point.<br /> <br /> Au Théâtre de l’œuvre, la présentation récente de la pièce de Denise Bonal « Dis à ma mère que je pars en voyage », d’abord créée au Rond-Point, ou encore, il y a quelques mois, la reprise au Théâtre des Bouffes Parisiens des « Bonnes » de Jean Genet d’abord mis en scène par Alfredo Arias au Théâtre de l’Athénée, prouvent combien le passage d’un secteur à l’autre est fécond.<br /> <br /> Et je n’oublie pas les expériences de Gildas Bourdet, de Roger Planchon, de Jacques Weber, de Pierre Pradinas ou de compagnies comme celle de Lisa Wurmser, accueillie au Théâtre Hébertot, ou encore la création à la Maison de la culture de Bourges du fameux « André le magnifique » repris triomphalement au Théâtre Tristan Bernard et devenu un long-métrage de cinéma.<br /> <br /> A cette dimension artistique s’ajoute une réalité économique. Dans notre pays, tous les théâtres sont, d’une certaine manière, des théâtres soutenus par des fonds publics : le théâtre public par la subvention directe de l’Etat ou des collectivités territoriales, le théâtre privé par la taxe fiscale sur la billetterie et par les subventions versées par l’Etat et la Ville de Paris au fonds de soutien pour le théâtre privé. <br /> <br /> Il importe que nous partagions aujourd’hui l’objectif de parvenir collectivement à la meilleure utilisation de ces financements publics. C’est pourquoi j’ai demandé à la Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles de mener une étude sur « l’Association de soutien pour le théâtre privé ». Et je me réjouis qu’elle ait pu se faire en très étroite collaboration avec la Ville de Paris.<br /> <br /> Le rapport issu de cette étude, qui vient d’être rendu public, ouvre un ensemble de pistes qui me paraissent particulièrement intéressantes pour le rapprochement du public et du privé.<br /> Il constate en effet que les modes de fonctionnement propres à chaque secteur induisent une exploitation encore insuffisante des spectacles : les théâtres publics ne jouent qu’un nombre limité de représentations à leur siège et rarement à Paris (8245 représentations en 2004 contre 15123 pour les théâtres privés), tandis que les théâtres privés ne tournent pas suffisamment en région faute d’être accueillis par les Centres dramatiques nationaux, les scènes nationales ou les scènes conventionnées.<br /> <br /> Or, les théâtres privés pourraient accueillir les productions réalisées du théâtre public pour les exploiter à long terme, et les théâtres subventionnés pourraient programmer les meilleures productions du théâtre privé.<br /> <br /> Déjà, la transformation de la taxe parafiscale en taxe fiscale - qui augmente les revenus du fonds de soutien (d’un peu plus de 3 millions d’€ en 2003 à 4 millions d’€ en 2004), par ailleurs soutenu financièrement par l’Etat et la Ville de Paris (plus de 7 millions d’€) - favorise la multiplication des échanges entre les deux secteurs.<br /> <br /> Le rapport propose d’aller plus loin. Je souhaite donc que le groupe de travail qui vient de se mettre en place entre l’association de soutien pour le théâtre privé, la Ville de Paris et le Ministère de la Culture et de la Communication approfondisse tout particulièrement trois propositions :<br /> <br /> - l’élargissement de la taxe fiscale à toutes les représentations de théâtre, privé ou public, sur l’ensemble du territoire national ;<br /> <br /> - la possibilité, pour tout théâtre privé parisien, de consacrer un de ses droits de tirage auprès du fonds de soutien à la reprise d’une production existante du théâtre public ;<br /> <br /> - le développement du mécénat, voire de l'investissement, dans le théâtre et je pense particulièrement à la possibilité de créer l’équivalent des Sofica pour le théâtre.<br /> <br /> J’ajoute qu’il me paraîtrait nécessaire que les tourneurs, qui jouent un rôle majeur dans la circulation des œuvres, saisissent cette occasion pour multiplier les échanges d’un secteur à l’autre.<br /> Pour conclure, je veux rappeler que si les Molières sont depuis dix-neuf ans la grande fête annuelle du théâtre, ainsi qu’une émission de télévision, ils constituent aussi un lieu unique de dialogue et de rapprochement entre le théâtre privé et le théâtre public.<br /> <br /> J’ai demandé à Patrick de Carolis de reprendre ce dossier et je suis sûr qu’avec lui, nous pourrons construire un travail en commun pour rapprocher théâtre et télévision.<br /> <br /> La dix-neuvième édition a permis de lancer une réforme qui doit être, tant dans l’organisation que dans la forme de l’émission de télévision elle-même, prolongée et améliorée. Car il est dans notre intérêt à tous de fêter un bel anniversaire à l’occasion de la vingtième édition, en 2006. <br /> <br /> Riches de vos différences, et forts de ce qui vous rassemble, je tiens à vous dire enfin que vous êtes tous, auteurs, acteurs, directeurs, équipes artistiques et techniciens du théâtre public comme du théâtre privé, chargés d’une mission essentielle : construire une société qui refuse le repli sur soi et se rassemble dans les salles de spectacle pour former une communauté qui partage, dans le rire ou les larmes, ses émotions et ses valeurs.<br /> <br /> De cela, je tiens à vous remercier.
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